Un apprentissage de 5 ans

2014-2019, ça y est! Cinq ans déjà depuis le jour où j’ai décidé de devenir entrepreneur indépendant. Alors que nous nous préparons à changer de décennie, et à plonger dans 2020, c’est une page de ma vie professionnelle qui se tourne, et sans doute le bon moment de faire le point: Après ces cinq dernières années, quels enseignements s’imposent pour bien aborder les cinq prochaines ? Quelques éléments de réflexion que je partage ici avec ceux qui sont tentés par l’aventure.

Du salariat à l’entrepreneuriat.

Le parcours de chaque entrepreneur est unique, évidemment. Les joies, les peines. Les bonnes et les mauvaises surprises. Les opportunités inespérées, et celles que l’on rate. Les relations de confiance et les trahisons. De quoi sans doute écrire un jour un roman !!!

  • Que retenir de mon petit parcours de « quadra » entrepreneur ?
  • Qu’est ce que j’ai vraiment appris en entreprenant ?
  • Existe-t-il des éléments d’expérience utiles à partager pour toutes celles et tous ceux qui se demandent si elles doivent franchir le pas vers une activité indépendante ?

Encore seul ?

Avant de créer, j’avais sollicité de nombreux avis de sages, de gourous et de « serial entrepreneurs« , et tous les avis convergeaient pour recommander de ne pas créer de structure seul:  » Pour durer, il faut s’entourer des bonnes personnes« , « c’est l’équipe qui fait la différence« , « il faut démarrer à 2 ou 3 »

Commencer à deux ? A trois ? A cinq ? Les avis divergent.

Finalement, j’ai démarré avec une structure unipersonnelle, tout en me laissant toute latitude qu’avec le temps elle évolue. Ce n’est pas faute d’avoir tenté des initiatives à plusieurs. Souvent, cela a été particulièrement enrichissant et cela a abouti à de très belles collaborations et partenariats.

Seul et très bien accompagné !

C’est sans doute ce qui résume le mieux ma situation cinq ans après la création de mon activité. La qualité des personnes qui m’entourent est évidemment décisive. Chaque réussite a été co-construite avec d’autres. Chaque avancée majeure, chaque nouveau service, chaque nouveau produit m’a permis d’apprendre au contact de mes partenaires. Ce sont aussi ces moments de co-création et de co-construction que j’ai le plus appréciés, et que je compte privilégier à l’avenir. Aujourd’hui, mon niveau de confiance envers les personnes qui m’entourent, a considérablement augmenté. C’est sans doute l’acquis essentiel de ces cinq années. J’ai appris à connaître et à découvrir les valeurs, les centres d’intérêt d’un grand nombre de personnes. Cela m’aide désormais à me positionner.

Autour de moi gravitent des talents incroyables !!! C’est ma grande chance.

Au départ, on se dit qu’être indépendant, c’est être à la fois rouge, bleu, vert et jaune, à la fois fourmi, araignée, abeille et papillon (pour faire référence au livre de Kattell Bosser, Blooming People), à la fois financier, juriste, comptable, vendeur et visionnaire. Et puis, avec le temps, on se rend compte que non, et que d’autres sont tellement meilleurs dans tellement de domaines que ce serait fou de ne pas leur faire confiance !

Quelques grosses déceptions, quand même

A plusieurs reprises, je me suis senti naïf par rapport au monde de l’entrepreneuriat, en pensant que la relation de confiance, la charte éthique, une clarté sur les valeurs, et quelques principes simples et le contrat psychologique suffisaient à faire en sorte que tout se passe bien. Je pensais avoir un peu de bouteille et ne plus être un « perdreau de l’année ». Le temps m’a démontré le contraire. Problèmes de paiements, désaccords, mauvaise foi, mensonges… on croise aussi parfois des personnes qui ne fonctionnent pas comme nous, ou qui ont une « philosophie » divergente de la nôtre. Cela n’en fait pas forcément de mauvais bougres dans l’absolu, mais cela rend la collaboration moins agréable, et en général, la vie fait que la collaboration parfois s’arrête.

« Le plus triste dans une trahison, c’est que cela ne vient jamais de vos ennemis« . « Déception = Espérance / Réalité« .

Ces difficultés et quelques déceptions m’ont permis d’apprendre beaucoup et de me développer personnellement.

Des opportunités passionnantes aussi

C’est la bonne nouvelle de ce bilan de mon quinquennat. Chemin faisant, des opportunités passent. La première n’est pas toujours la meilleure. Il faut faire des choix. J’ai dû en rater un certain nombre, mais j’en ai saisi quelques unes aussi. Avec le temps, j’apprends à ne pas toutes les traiter.

Mes moments inoubliables

Un des conseils que j’ai retenu lorsque j’ai effectué ma transition de « salarié » à « entrepreneur », c’est ne « raisonne pas en terme de job, raisonne en terme d’expérience ». Je me souviens même avoir rédigé ma bucket list des 10 expériences que je souhaite vivre avant d’être mort. Il parait que les cimetières sont remplis de personnes qui ont remis à plus tard leurs rêves.

Ce sont aussi et surtout ces moments inoubliables et rares que je souhaite garder à l’esprit, et partager avec vous. Evidemment ce n’a pas été exactement la même chose que ma bucket list, mais comment ne pas se réjouir d’avoir pu:

  • dîner avec le meilleur sommelier du monde dans la meilleure école hotelière du monde lors d’un concours de dégustation des meilleurs vins. (merci
  • croiser de près Miss Univers ! (plaisir des yeux :-))
  • discuter avec des champions olympiques de judo, d’escrime, de ski de bosses et de snowboard
  • survoler le Mont-Blanc en hélicopter
  • chercher des modèles économiques pour la permaculture
  • essayer la BMW i8 et la Tesla (model S, 3 et X)
  • organiser mon premier défilé de mode éthique et être invité à des défilés de mode
  • découvrir l’art japonais de plier le textile pour créer des vêtements sans chute de textile.
  • passer un dimanche dans le froid avec les personnes qui gèrent la réserve naturelle du haut jura.
  • écouter les pitchs d’un concours d’entrepreneuriat au féminin
  • organiser 2 fois un village des sciences localement
  • participer à la création de 3 associations, d’une fondation et voir de nombreuses start-ups se développer.
  • obtenir des interviews avec des personnalités que j’admire et qui m’inspire.
  • cotoyer et coacher des PDGs de Start-Ups et créateurs de PME incroyablement innovantes
  • co-créer un icosahédron pour les objectifs de développement durable, le mettre en creative commons et le voir faire le tour du monde.
  • proposer un business model canva bilingue et le mettre en open source.
  • être invité à parler publiquement des sujets qui me passionnent (l’innovation durable, les objectifs de développement durable, les fablabs, les objets connectés…)
  • rencontrer des talents incroyables le temps d’un hackathon ou d’un start up week end.
  • co-animer des ateliers ludique sur l’égalité femme homme pour des personnes venues des 4 coins du monde, et les voir initier un dialogue.
  • manger des pâtes pendant la saison des truffes à Turin ou des Pita au cochon à Thessaloniki
  • se réveiller à 6h pour une randonnée et voir la chaîne des Alpes depuis Crans-Montana.
  • co-rédiger des « innovations papers » et les voir acceptés et publiés.
  • voir une gamine de 10 ans se rouler par terre en pilotant un Sphero BB8.
  • revoir le marché de Noêl de l’Alexander Platz, à Berlin 20 ans après.
  • résumer Carol Dweck dans un pecha kucha de 5 minutes retransmis en 360 degrés dans un Facebook live !!!

Bref, je me dis que j’ai de la chance…. Tous ces moments-là, et les quelques autres que je vais garder bien secrètement pour moi, je me dois de les célébrer et de les apprécier à leur juste valeur.

Je « travaille pour moi » ! Vraiment ?

C’est comme cela que les anglosaxons en parlent, « working for yourself ». Ils se trompent. Je l’ai rapidement appris. Certes, je n’ai pas un chef direct pour m’approuver mes notes de frais, j’en ai plusieurs !!! Je ne travaille pas pour moi, je travaille pour mes clients, pour mes bénéficiaires. Dans mon type d’activité, trouver ses clients, c’est la clé. Au départ bien sûr, la tentation est forte de « se vendre soi », c’est d’ailleurs un peu gênant de parler de soi, et beaucoup plus confortables de parler des autres. Finalement, ce n’est pas très intéressant d’insister sur ses propres compétences (« mon bilan de softskills et de hardskills, parle pour moi, regardez comme je suis beau et fort« ) et sur son propre parcours (« Elle est pas belle ma carrière ? Ils sont pas beaux mes diplômes ?« ) et sur ses propres centres d’intérêts. C’est finalement assez logique, c’est notre zone de confiance. Nous savons que nous sommes forts sur ces sujets. Mais, le seul hic, c’est que le besoin des clients, ce n’est pas forcément (pour ne pas dire jamais) la même chose que nos compétences, ou nos centres d’intérêt. Il faut donc sortir légèrement de cette « zone de confort » pour trouver son marché.

Sortir de sa « zone de confort », sans sortir de sa « zone de compétences »

La nuance a son importance, et parfois cela ne tient qu’à un fil. Pour répondre au besoin du client, en voulant bien faire, il est tentant d’accepter assez facilement ses termes et conditions. « Disons d’abord oui au client et on trouvera ensuite un moyen de répondre aux « spécifications », quitte à déléguer ou outsourcer« .

La tentation de la distraction a toujours été forte pour moi.

Curieux de la prochaine rencontre, envie de découvrir la prochaine mission. J’ai dû parfois freiner un peu ! L’approche comporte des risques. Le principal risque, c’est de perdre la confiance du client, qui sait être prompt à nous rappeler qu’on ne peut pas être « bon dans tout ». Souvent à juste titre.

L’effort presales beaucoup plus conséquent que prévu

Chacun son ratio, chacun sait combien il doit consacrer à la prospection et à la vente, et combien consacrer à livrer ses mandats et ses missions. J’avais mes chiffres, et évidemment j’avais sous-estimé l’importance de la prospection et le coût d’acquisition des clients. C’est un classique, une des raisons de l’échec de nombreuses entreprises, qui ont pourtant de superbes compétences, services, produits ou solutions.

En quelques années, la vente s’est transformée, l’outil central (le téléphone) est devenu beaucoup moins accepté. Le social selling, les chatbots, les emojis, Snapchat, Instagram et le growth hacking sont arrivés. Il a fallu s’adapter chemin faisant.

La relation de confiance – le centre du réacteur pour nos métiers de service.

Dans nos métiers, sans confiance, la maîtrise n’est rien !

Une fois que l’on se trouve convié dans la bonne salle avec la bonne personne (en général le CEO et/ou le CFO), et que la relation de confiance est en place, alors tout se déroule comme prévu, je sais gérer !

Par contre, arriver dans cette salle avec la bonne personne, pour pouvoir initier le dialogue, c’est devenu beaucoup plus complexe. Un art, une science ! La force de la marque joue un gros rôle. La modification des relations B2B est en pleine transformation aussi. Le phygital est passé par là.

Lors de la dernière remise de diplôme du programme MRHC, le programme de MAS RH, dans lequel j’ai le plaisir d’intervenir, j’ai appris que cette relation de confiance, cette base éthique à partir de laquelle, on peut envisager de collaborer sereinement, et bien cela porte un nom, et qu’il s’agissait du contrat psychologique. Il est parfois mis à rude épreuve. A l’inverse, lorsque l’on a la chance d’avoir cette relation de confiance bien en place, la performance est au rendez vous.

Cette relation de confiance avec les clients, j’y crois, et c’est la base de toute mon activité. C’est ma base. C’est sur cela que je souhaite construire les cinq prochaines années.

Merci !

Comment finir ce petit post-bilan sans remercier toutes celles et tous ceux qui ont cru en moi. Parfois, je sais que ce n’était pas évident.

La réussite, je la mesure à la qualité des personnes qui m’entourent. Maintenant, vous le savez ! 😉

Je pense particulièrement à celles et ceux qui m’ont soutenu dans les moments difficiles, les traversées du désert (il y en a, cela fait partie du parcours), ou les moments de doute, de remise en question. La bonne question au bon moment. Le petit sourire. La petite tape sur l’épaule. Le petit mot de soutien, souvent discret. La petite attention. Cela n’a l’air de rien. Mais c’est grâce à cela que l’on persiste et que finalement cela décolle.

Merci donc à tous mes proches, à tous mes amis, à tous mes clients, à tous mes fournisseurs et à tous mes partenaires.

Chaque avis, chaque conseil, chaque mot de soutien m’ont permis d’aborder 2020-2025 avec sérénité, motivation et détermination.

En 2025, mon fils aura 20 ans, ma fille en aura 15, j’espère qu’ils auront envie d’entreprendre et d’innover et qu’ils auront la force de réaliser leurs rêves. Au delà d’eux, espérons surtout que ce sera toute une génération d’entrepreneurs éthiques et responsables qui va émerger pour s’attaquer aux challenges environnementaux et sociétaux qui se trouvent devant nous.

Joyeuses fêtes de fin d’année à toutes et à tous.

Yves.