Comment les entreprises peuvent transformer l’ambition en action à Belém
La COP30, qui se tiendra en novembre 2025 à Belém, au Brésil, ne sera pas une conférence comme les autres. Dix ans après l’Accord de Paris, elle marque une étape critique : c’est le moment du bilan mondial et de la mise à jour des engagements nationaux (les fameuses CDN).
Organisée au cœur de l’Amazonie, cette « COP de la forêt » mettra l’accent sur la biodiversité, la justice climatique et l’urgence de l’alignement sur 1,5°C. Pour les entreprises, il ne s’agit plus seulement de faire des promesses pour 2050, mais de prouver leur pertinence économique et écologique maintenant.
Voici 5 leviers concrets pour aligner votre stratégie d’entreprise sur les enjeux de la COP30.
1. Verrouiller des objectifs intermédiaires crédibles (SBTi)
L’époque des vagues promesses de « neutralité carbone » est révolue. La COP30 exigera des plans de transition clairs. Les entreprises doivent aligner leurs trajectoires de réduction sur la science.
- L’action concrète : Si ce n’est pas déjà fait, soumettez vos objectifs à l’initiative SBTi (Science Based Targets initiative).
- Le focus COP30 : Concentrez-vous sur les objectifs à court terme (2030). Les gouvernements vont présenter leurs nouveaux plans pour 2035 à Belém ; les entreprises doivent anticiper ces nouvelles régulations en décarbonant massivement dès maintenant, et non en comptant sur la compensation carbone.
Note importante : L’enjeu majeur reste le Scope 3 (les émissions indirectes liées à votre chaîne de valeur). C’est souvent là que réside 90% de l’impact. Collaborer avec vos fournisseurs pour réduire leur empreinte est impératif.
2. Intégrer la Nature et la Biodiversité au cœur du bilan
Puisque la COP30 se déroule au Brésil, la protection des écosystèmes sera le sujet phare. Le monde des affaires commence à comprendre qu’il n’y a pas d’économie viable sans nature (services écosystémiques, eau, pollinisation).
- L’action concrète : Adoptez le cadre de la TNFD (Taskforce on Nature-related Financial Disclosures). Tout comme vous mesurez le carbone, commencez à mesurer vos impacts et dépendances envers la nature.
- Zéro Déforestation : Assurez-vous que votre chaîne d’approvisionnement (bois, papier, soja, bœuf, huile de palme, caoutchouc) est exempte de déforestation. La réglementation européenne (RDUE) l’impose déjà, mais la pression internationale à Belém sera encore plus forte.
3. Financer la « Transition Juste »
L’un des points de tension majeurs des COP est le financement climatique entre le Nord et le Sud. Les entreprises ont un rôle à jouer pour ne pas laisser leurs fournisseurs des pays émergents porter seuls le fardeau de la transition.
- L’action concrète : Ne vous contentez pas d’exiger des critères verts de vos fournisseurs. Co-investissez avec eux.
- Le mécanisme : Proposez des financements préférentiels, des contrats à long terme ou de l’assistance technique aux agriculteurs et PME de votre chaîne de valeur pour qu’ils puissent adopter des pratiques durables (agriculture régénératrice, efficacité énergétique).
4. Faire du « Lobbying Responsable »
Trop souvent, il existe un décalage entre les engagements RSE d’une entreprise et les actions des associations professionnelles auxquelles elle appartient, qui freinent parfois les législations climatiques.
- L’action concrète : Auditez vos adhésions à des groupes d’influence et chambres de commerce.
- L’alignement : Assurez-vous que votre plaidoyer politique (lobbying) soutient activement les politiques climatiques ambitieuses nécessaires pour atteindre les objectifs de la COP30. La transparence sur ce point est devenue un critère de notation ESG (Environnement, Social et Gouvernance) majeur.
5. Miser sur l’Adaptation, pas seulement l’Atténuation
Même si nous arrêtons toutes les émissions demain, le climat a déjà changé. Les inondations, sécheresses et canicules menacent la continuité des affaires.
- L’action concrète : Réalisez un test de résistance (stress-test) climatique de vos actifs physiques et de votre chaîne logistique.
- La résilience : Investir dans l’adaptation (ex: gestion de l’eau plus sobre, bâtiments résistants à la chaleur, diversification des sources d’approvisionnement) est une mesure de prudence financière directe.
En résumé : De l’observateur à l’acteur
La COP30 à Belém ne demande pas aux entreprises d’être parfaites, mais d’être lucides et actives. Celles qui prendront les devants en matière de biodiversité et de décarbonation profonde ne feront pas que « sauver la planète » ; elles sécuriseront leur propre survie économique dans un monde en mutation rapide.
Votre entreprise est-elle prête pour 2025 ? Le compte à rebours est lancé.
C’est noté. Voici une Checklist Opérationnelle « Cap sur la COP30 » destinée à vos équipes RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) et à la direction stratégique.
Elle est conçue pour transformer les grands principes en tâches réalisables d’ici novembre 2025.
📋 Checklist RSE : Préparation à l’échéance Belém 2025
I. Stratégie Climat & Décarbonation (Focus SBTi)
L’objectif : Passer de la promesse à la preuve chiffrée.
- [ ] Actualiser l’inventaire GES : Disposer de données 2024 fiables sur les Scopes 1, 2 et surtout 3 (les plus scrutés).
- [ ] Revue de la trajectoire 1.5°C : Vérifier si la courbe de réduction actuelle est alignée avec les standards SBTi « Net-Zero ». Si non, planifier des actions correctives immédiates.
- [ ] Plan d’engagement fournisseurs : Identifier les 20 % de fournisseurs responsables de 80 % des émissions du Scope 3 et lancer un programme d’accompagnement (formation ou incitation financière).
- [ ] Sortie des fossiles : Établir une date butoir pour l’arrêt des financements ou de l’utilisation d’énergies fossiles dans les opérations directes.
II. Biodiversité & Forêt (Focus TNFD)
L’objectif : S’aligner sur la « COP de l’Amazonie ».
- Cartographie des risques nature : Localiser les sites (propres et fournisseurs) situés dans des zones de stress hydrique ou proches de zones protégées.
- Audit « Zéro Déforestation » : Tracer l’origine précise des matières premières critiques (bois, papier, cuir, soja, huile de palme, cacao, café) pour anticiper la réglementation RDUE et les attentes de la COP30.
- Pilote TNFD : Lancer un premier rapport pilote selon les recommandations de la Taskforce on Nature-related Financial Disclosures (identifier les dépendances et impacts sur la nature).
III. Justice Climatique & Sociale
L’objectif : Ne laisser personne de côté dans la transition.
- Audit des impacts sociaux de la transition : Analyser comment la décarbonation de l’entreprise affecte les emplois (ex: fin d’une ligne de production thermique) et prévoir des plans de reconversion.
- Fonds de soutien à la chaîne de valeur : Créer ou rejoindre un fonds pour aider les petits producteurs (Sud Global) à s’adapter au changement climatique sans qu’ils en supportent seuls le coût.
IV. Gouvernance & Transparence
L’objectif : Assurer la cohérence du discours.
- Audit des associations professionnelles : Lister toutes les organisations dont l’entreprise est membre et vérifier si leur lobbying est aligné avec l’Accord de Paris. Si non, engager le dialogue ou quitter l’organisation.
- Formation du COMEX : Organiser une session de travail pour le Comité Exécutif sur les enjeux spécifiques de la biodiversité et de l’adaptation climatique.
- Rémunération variable : Intégrer des critères de biodiversité ou de réduction du Scope 3 dans le bonus des dirigeants pour 2025.
V. Résilience & Adaptation
L’objectif : Protéger l’entreprise des chocs physiques.
- Stress-test climatique : Simuler l’impact d’un scénario à +2°C et +4°C sur les actifs physiques (usines, entrepôts) et logistiques d’ici 2030.
- Plan de continuité d’activité (PCA) : Mettre à jour le PCA pour inclure les risques climatiques aigus (inondations, canicules extrêmes, pénuries d’eau).
