L’économie symbiotique, théorisée par Isabelle Delannoy, propose un modèle économique régénérateur, inspiré du vivant, qui vise à maximiser la coopération entre l’intelligence humaine, la technosphère et les écosystèmes naturels.
Pour réaliser cette transformation radicale, des outils structurants comme le pipeline et l’entonnoir de l’innovation radicale sont essentiels pour canaliser les idées et les transformer en solutions concrètes et durables.
1. Comprendre le pipeline et l’entonnoir d’innovation
Bien que souvent utilisés de manière interchangeable, le pipeline et l’entonnoir d’innovation ont des fonctions distinctes mais complémentaires :
- Le Pipeline d’Innovation : Il représente une séquence d’étapes linéaires par lesquelles une idée passe de la conception au lancement. C’est une feuille de route qui se concentre sur la progression pas à pas de l’idée, de manière tactique. Les étapes (ou gates) sont des actions spécifiques à accomplir pour faire avancer le projet (par exemple, examen de la solution proposée, élaboration du plan de projet).
- L’Entonnoir d’Innovation : Il est une structure de filtrage qui intègre des portes de décision (gates) à chaque étape. Il s’agit d’un processus rigoureux d’évaluation et de priorisation. L’entonnoir reflète la réalité : beaucoup d’idées entrent, mais seules les plus solides, celles qui répondent aux critères fixés, progressent et sont financées. Il se concentre sur le statut de l’idée et la décision d’avancer, de mettre en pause ou d’arrêter.
Pour l’innovation radicale, qui implique des changements fondamentaux, l’entonnoir est une métaphore plus pertinente que le pipeline, car il met l’accent sur la sélection et l’élimination des projets moins prometteurs pour concentrer les ressources limitées sur les ruptures à fort potentiel.
2. Levier de l’innovation radicale pour l’économie symbiotique
L’économie symbiotique nécessite des innovations radicales pour rompre avec le modèle extractif linéaire. Le pipeline/entonnoir doit être conçu pour favoriser et filtrer des idées répondant aux six principes symbiotiques (collaboration libre et directe, pensée systémique, etc.), en visant des objectifs de régénération plutôt que de simple réduction d’impact.
A. Adaptation de l’entonnoir
L’entonnoir d’innovation radicale doit être spécifiquement adapté pour l’économie symbiotique en intégrant des critères de sélection (filtres) alignés sur la régénération :
| Étape de l’entonnoir | Focus symbiotique (Filtres) |
| Génération et Idéation | Encourager les idées inspirées du biomimétisme, de l’écologie industrielle et de la conception circulaire. Prioriser les projets avec un impact social et environnemental positif et régénérateur. |
| Évaluation et Affinage (Gate 1) | Évaluer le potentiel de synergie avec les écosystèmes naturels et sociaux locaux. L’idée permet-elle de restaurer des fonctions-socles (fertilité du sol, cycle de l’eau) ? |
| Développement du Concept (Gate 2) | Créer un business case symbiotique : la rentabilité est-elle basée sur la densification de l’usage des ressources (produire plus de valeur avec moins de ressources) et non sur l’extraction ? Les boucles de valeur sont-elles locales ? |
| Développement et Test (Gate 3) | Tester la robustesse du modèle à générer du « zéro extraction » et du « zéro déchet » et à créer de la ressource sociale (coopération, emploi). |
| Lancement et mise à l’échelle | Assurer que la mise à l’échelle continue de respecter et d’amplifier la régénération locale et la coopération libre. |
B. Les principes clés de l’utilisation
L’utilisation de cet entonnoir pour l’économie symbiotique requiert une culture et une structure spécifiques :
- Ouverture radicale : L’entonnoir doit être largement ouvert à des idées venant de tout l’écosystème (clients, chercheurs, nature, concurrents). L’innovation symbiotique est une innovation ouverte.
- Mesure de l’impact positif : Les indicateurs de performance (KPIs) aux portes de décision doivent aller au-delà de la rentabilité financière classique pour inclure la valeur régénérative (ex. : quantité d’eau épurée par phytoépuration, taux de biodiversité restaurée).
- Gestion de portefeuille équilibrée : Une organisation doit maintenir un portefeuille d’innovations qui inclut des projets d’amélioration incrémentale (qui réduisent les externalités négatives) et des projets de rupture radicale (qui créent de la régénération positive), en accordant plus de ressources aux seconds.
L’économie symbiotique nécessite de passer d’une logique de compétition à une logique de coopération et de régénération.
Le pipeline et l’entonnoir de l’innovation radicale sont les instruments méthodologiques pour s’assurer que les idées les plus prometteuses et les plus alignées avec la régénération passent le cap du marché.
